Nous sommes à présent le 7 février dans la Hardt.
Minuit passé ; nuit noire sur les bois enneigés. Toute
la troupe fut convoquée subitement pour être mise au courant
qu'elle allait gagner le front proche dans les environs de Kembs, était-il
précisé. Vers quatre heures du matin nous aboutirent à
Petit-Landau (Klein-Landau) en première ligne et nous fûmes
casés dans les fortins de la ligne Maginot, en bordure du canal
de Huningue. C'est là qu'un officier de service fit appel à
des volontaires, deux par section, pour relever le Gebirgsjäger-Regiment
en faction au front. Alors j'ai dit à mon camarade Arno :
– C'est maintenant ou jamais ! allons-y.
Nous fûmes donc conduit dans un « Hochposten » (Poste
d'écoute), installé au bord du canal et pourvu d'une mitrailleuse.
Le temps d'avaler la portion alimentaire de survie, de se voir doté
d'un « Mauser 9 mm » et de deux grenades à main,
et nous voilà en faction, vers les cinq heures du matin. L'officier
de service passa de suite, nous donnant le mot de passe :
– Ein dicker Hund (Un gros chien)
Il nous renseigna sur le « No man's land » (Zone neutre),
large d'un kilomètre, séparant les deux armées
ennemies :
– Devant vous les « Marokaner » (les marocains), qui
ne font pas de cadeaux ! grimaça-t-il en faisant un grand geste
de la main à hauteur du cou.
Dix minutes plus tard, nous en vinrent aux actes, démantibulant
la mitrailleuse, jetant percuteur et culasse dans les eaux du canal,
enlevant nos bottes et nouant manches du veston et bas des pantalons
; puis ce fut l'entrée dans l'eau glacée et boueuse du
canal, quelques brasses de nage et l'escalade du talus gluant d'en face.
A plat ventre derrière la berge pour déceler le moindre
bruit, et à nous le « no man's land », alors que
crépitaient au loin dans le ciel noir des fusées éclairantes,
et des éclats d'obus. Progression pénible dans la neige
sous des vêtements dégoulinants d'eau. Ce qui est drôle,
c'est que nous n'avions pas du tout froid, tant l'émotion et
les nerfs étaient à fleur de peau ! Dix minutes, un quart
d'heure, une marche en avant dans un fin tourbillon de neige, empêchant
toute orientation. Enfin les barbelés devant nous que nous longèrent
sur environ cinq cents mètres. Je n'arrêtais pas de crier
toutes les deux minutes :
– Soldats français, ne tirez pas ! nous sommes des amis
!
Puis, nos cris furent entendus, car on nous cria de l'autre côté
des barbelés :
– Par ici, par ici !
Le temps de jeter nos Mausers et nos grenades et nous aperçûmes
de l'autre côté d'une chicane, un français qui nous
intima de suite le « haut-les-mains » traditionnel ! L'étonnement
d'un côté, la joie de l’autre.
Tout content d'être arrivés à bon port j’interpellais
le Français :
– Oh ! Permettez-moi de vous embrasser ! j'attends cet instant
depuis quatre ans ! dis-je à la sentinelle éberluée
!
– Quelle chance que la vôtre, me répondit-il ! si
vous aviez rencontré une seule de nos patrouilles de noirs, ils
vous auraient descendus sans aucune sommation, malgré vos cris
!
Appelant en renfort deux soldats arabes, le ventre ceint d'une large
ceinture à trous, le factionnaire nous fit conduire au P.C. du
capitaine dans une petite maison près de Kembs.
Quelle cordiale bienvenue ! Une demi-douzaine d'officiers étaient
en train de casser la croûte dans une petite cuisine surchauffée.
Nos vêtements furent mis à sécher, nous partagions
le repas des français, fumions même leurs cigarettes...
quel délice ! .. Et ma foi, toute la tablée était
toute ouïe à m'écouter raconter... Puis le capitaine,
après nous avoir donné des vêtements kaki, nous
fit conduire en jeep au P.C. du Colonel, à Helfranzkirch.
Entre-temps, le canon grondait, les mitrail-leuses crépitaient
: C'était comme nous l'apprîmes plus tard l'attaque générale
du front ennemi, qui allait être décisive, ce matin là
du neuf février 1945, vers 6 heures du matin !
A Helfranzkirch, nouvelle entrevue avec le Colonel, nouvel interrogatoire,
qui voulut en savoir beaucoup plus sur notre part : Mais le pouvions-nous,
nous qui n'avions à peine vécu six minutes au front ?
De toutes façons, nous entendions l'artillerie pilonner les positions
ennemies, que nous venions tout juste de quitter !
– Ein dicker Hund ! gerade noch in der Zeit geflohen ! (Un gros
chien ! échappé de justesse !) ne cessait de répéter
Arno.
Dans la journée, un camion G.M.C. nous amena par Belfort à
Audincourt, dans une caserne pleine de recrues ; et là encore
profusion de cigarettes, de café, de gniole américaine,
et bien sur nous n'en finissions pas de raconter, et de raconter...
Quatre jours plus tard, nous furent séparés définitivement
; Je fus interné dans la citadelle de Besançon, où
végétait déjà une soixantaine d' Alsaciens
attendant leur libération.
La première nuit, je la passais – étant arrivé
tard – dans une cellule sombre et infecte, rempli d'un lit de
paille en décomposition, avec une vingtaine de prisonniers allemands,
se dépouillant de leurs puces et poux à la lueur d'une
bougie suspendue à un fil au plafond... Image lugubre s'il en
faut !
Le lendemain matin, rassemblés devant le bâtiment principal,
on procéda à l'appel nominatif des alsaciens. A leur côté
la horde des internés allemands, sinistres dans leurs longs et
larges manteaux d'hiver et devant leur groupe, les Allemands décédés
durant la nuit, une dizaine étaient allongés par terre,
victimes de la dysenterie amibienne, de la faim, des mauvais traitements,
car la nourriture était rare, bien maigre !
Le Commandant de la première compagnie, le Capitaine Hurst, originaire
de Thann, mit les Alsaciens au courant de la situation, du manque de
nourriture, d'hygiène, spécialement de poudre D.T.T.,
de remèdes, leur promettant un rapide retour en leur foyer.
– Ne vous apitoyez pas sur le sort des prisonniers allemands !
nous ne pouvons rien pour eux, n'étant pas encore bien ravitaillés.
Vous verrez sur la grande place le grand puits, de sinistre mémoire,
où furent précipités des dizaines de patriotes,
d'otages innocents, par des tortionnaires allemands. Je ne demande qu'une
chose à nos Allemands : celle de saluer militairement ce témoin
de leur barbarie.
Ce fut la première fois qu'un immense sentiment de pitié
envers ces Allemands que je haïssais, vint à crisper mon
cœur ! Je me mets à leur place, la guerre est finie pour
eux, et voici qu'ils meurent en masse, faute de soins. Le même
matin je fus désigné comme interprète du groupe
alsacien auprès du Capitaine, et que je rencontrais au bureau
une gentille petite chaufferette, du nom de Mimi, la fille de ce dernier.
C'est elle qui m'aida à rassembler pour mes compagnons, de la
gniole et de la poudre D.T.T. contre la dysenterie et les poux et les
puces.
Après huit jours de détention, nous pûmes quitter
la citadelle pour être embarqués vers une autre destination
à la gare de Besançon. Mais tout était changé
; alors que dans le château nous étions bien traités,
tout changeait subitement sur les quais de la gare : Nos deux accompagnateurs,
un sergent-chef corse flanqué d'un petit caporal haineux au possible,
ne sachant à priori où se situait cette Alsace, nous traitèrent
de boches, de salopards, alors que moi, le seul habillé en kaki
me vit traiter de cinquième colonne, de collabo et que sais-je
!
Au lieu de prendre place dans des compartiments réservés
pour nous à cet effet nous nous vîmes emprisonnés
dans un seul wagon à bestiaux, fermé par un cadenas. Nous
étions au nombre de quatre vingt. Quelle déception, où
allait-on encore nous mener ? Mais la bonne humeur restait encore de
rigueur...
Le train partit vers midi. Nos besoins, nous les faisions dans un coin
du wagon ou dans un pan de chemise que nous jetions par-dessus bord...
La nuit, nous l'avons passé dans les environs de Dijon, sur une
voie d'attente... à nous raconter des blagues et à rire...
Jusqu'au moment où leurs deux gardiens voulant probablement se
gorger de Bourgogne, leur intima l'ordre de se taire en les menaçant
de tirer sur eux ! Quelques minutes plus tard, une rafale de P.M. troua
à hauteur d'homme le wagon...
Puis le train quitta de bon matin la voie de garage, et au prochain
arrêt, vers Auxerre, la porte du wagon fut ouverte pour satisfaire
nos besoins immédiats, par groupe de dix, sous la menace de leurs
fusils... Puis ce fut le rassemblement devant le wagon, où tous
furent fouillés, les portefeuilles vidés de leurs Marks
allemands, et distribués aux convoyeurs et autres passagers !..
Enfin, Joigny, où le train s'arrêta pour de bon... Débarquement,
traversée mémorable de la petite ville sous les cris hostiles
des habitants exaspérés par les deux meneurs de la troupe.
Pauvres petits drapeaux tricolores, cousus ou épinglés
sur nos vestes : Ils nous furent arrachés sans pitié,
alors que ceux de la dernière rangée les foulaient en
cachette sous leurs pieds pour les faire disparaître...
– C'est ça la France ? entendait-on gémir peu après
dans le sombre wagon.
Mais nous nous sommes vites réconfortés mutuellement.
Puis à l'horizon un clocher, celui de Senans, et en moins de
rien, le groupe des alsaciens se vit encerclé par une meute d'autres
compatriotes en Feldgrau, qui criaient et houspillaient les deux accompagnateurs
: Ils eurent beau gronder, menacer, la meute ne faisait que de grossir
jusqu'à la place du village...
Un capitaine du deuxième bureau vint nous accueillir. Exhorté
par mes camarades je rendis compte du fameux voyage et du comportement
des deux sous-officiers ! Ceux-ci durent rendre sur place leurs Marks
volés, furent déchu à l'instant de leur grade et
enfermés aux arrêts.
Au courant des huit jours que nous passèrent à Senans
où nous fûmes logés chez des particuliers très
bienveillants, nous subirent des tests de sécurité par
les officiers du deuxième bureau, et nous fûmes congédiés
pour le retour dans nos foyers, où j'arrivai le 15 mars 1945.
Là, j'apprit que ma sœur était dans le coma dans
un hôpital de Strasbourg, victime de l'éclat d'un obus
lors de la libération de la ville, et qui ne put rentrer chez
elle que deux mois plus tard.
En mai 1945, Je fus nommé instituteur à Ranspach-le-Bas,
un petit village du Sundgau, et en août 1945, je fus appelé
à effectuer une période d'instruction militaire au C.R.A.P.
201 à Troyes ; ayant accompli plus de vingt mois d'incorporation
dans l'armée allemande, j'aurai pu m'y soustraire, mais j'avais
un projet bien ancré dans ma tête, nous le verrons.
Arrivé à Troyes, je demandais à être reçu
par le commandant de la garnison, et je lui fis part de mon désir
de m'engager comme volontaire dans l'aviation française de chasse,
comme pilote. Mal m'en prit, car je me suis fait traiter une fois de
plus de « boche », quand le brave colonel apprit mes «
exploits » dans la Luftwaffe allemande ! Rien n'y fit, ni mes
cours de préparation militaire supérieure, ni ma bonne
volonté pour clarifier ma situation.
– Jamais un boche comme vous ne sera officier français
! me lança-t-il.
Je m'emportais, et fus menacé d'arrêt de rigueur. Claquant
la porte, je pris congé de mon supérieur en lui donnant
ma parole... plutôt en lui criant ma parole que je serai un jour
officier français malgré tout ! Passant après au
secrétariat, je fus libéré sur-le-champ, au vu
des certificats que j'avais apportés ! Et mettant tout en branle
pour tenir ma parole, après maints stages à l'armée,
je fus nommé sous-lieutenant du Train le premier décembre
1951. J'avais tenu ma revanche de patriote français !
Environ un an après ma libération, j'appris par une lettre
de mon compagnon d'évasion Arno qu'il avait été
condamné à mort par le Tribunal Militaire de Fribourg
le... mars 1945.
Autre
texte relatant l’évasion du 7 février 1945
Compte-rendu de mon évasion de la « Wehrmacht »
le 7 février 1945
Le 29 novembre 1944, je fus muté dans la formation militaire
de la Wehrmacht « Luftwaffen Brigade Oberrhein », 5eme compagnie.
Nous fûmes affectés le six décembre en Alsace dans
la forêt de la Hardt, à proximité de Bantzenheim,
près d'un fortin de la ligne Maginot, à la Grünhütte,
pour former une ligne de repli (eine Auffangslinie) face au Régiment
d'infanterie Coloniale, qui occupait le secteur Est de la région
de Mulhouse.
Au cours de ce séjour, je m'entendis avec deux soldats de mon
unité, un alsacien du nom de Georges Woerle et un allemand dénommé
Arno Bese, fils d'instituteur de Braunschweig, pour nous évader
à la première occasion.
Le 7 février 1945, vers deux heures du matin, ma compagnie dut
quitter les lieux pour se diriger à pied vers le sud, afin de
former une ligne de front à proximité de Niffer, entre
la route départementale et le canal de Huningue, près
du pont 240, dans un fortin désaffecté de la ligne Maginot.
Vis à vis de notre formation stationnait le régiment d'Infanterie
Coloniale, ménageant entre les deux unités de guerre une
zone neutre d'environ un kilomètre de large.
Arrivé sur les lieux, vers quatre heures du matin, l'officier
de service demanda des volontaires pour occuper des casemates aménagées
en bordure du Canal de Huningue. Mon camarade alsacien Woehrle, ayant
dû rejoindre une section de mortier constitué derrière
le front, ne put se joindre à nous. Le soldat allemand et moi
– qui jugeâmes l'instant propice pour risquer notre évasion
– fûmes donc volontaires pour assurer ce premier service
de guet en bordure du canal, et prîmes place dans un « Hochposten
» (Mirador ?), pourvu d'une mitrailleuse et de quelques grenades
à main.
Sitôt passé l'officier de service qui nous donna les directives
d'observation et de situation, Arno Bese et moi démontames la
mitrailleuse, jetant percuteur et culasse dans le canal. Puis après
avoir enlevé nos bottes, ficelé l'ouverture des manches
et des pantalons avec des lanières de cuir (Kochgeschir-riement),
nous nous jetâmes dans l'eau glacée du canal pour gagner
à la nage la rive opposée. Parvenus sur la berge, nous
nous jetâmes à plat ventre, car au-dessus de nos têtes
éclataient des fusées d'observation.
Après quelques instants, n'entendant aucune détonation,
nous nous sommes relevés pour nous diriger direction Ouest, dans
la zone neutre, contrariés par une bise neigeuse. Arrivés
devant un barrage en fil de fer barbelé, nous le suivîmes,
tandis que, de temps en temps je criais :
– Soldats français, ne tirez pas, je suis un Alsacien.
Tout à coup, nous entendîmes un soldat nous répondre,
nous intimant :
– Par ici, haut les mains !
Nous nous executâmes, après avoir jeté nos pistolets
de neuf millimètres et notre grenade à main que nous avions
emportés. La sentinelle nous fit passer les barbelés,
nous fouilla en nous précisant entre autres que nous avions eu
une chance inouïe de ne pas tomber aux mains d'une patrouille nord-africaine.
Puis, il nous confia à deux soldats algériens, colts en
main, qui nous emmenèrent au P.C. d'un capitaine, à la
lisière de la forêt de la Hardt, dans une sorte de maison
forestière. Il nous débarrassa de nos uniformes mouillés
et nous fit envelopper d'une chaude couverture devant la cuisinière.
Tout en nous servant un frugal casse-croûte, il nous questionna
sur les positions ennemies. Puis après m'avoir donné un
uniforme kaki, il nous fit conduire en Jeep au P.C. du Colonel à
Helfranzkirch. Là, nouvel interrogatoire, tandis qu'on entendait
au loin le bruit des canons, sonnant l'agression française vers
le Rhin. Cette opération – je l'ai appris après
ma libération – devait d'ailleurs coûter la vie à
notre camarade Woehrle, atteint par un obus.
Dans la même journée, nous fûmes transportés
en G.M.C. à Audincourt, où je fus définitivement
séparé de mon camarade d'évasion allemand.
Quant à moi, après avoir passé la nuit à
Audincourt, je fus interné dans la citadelle de Besançon,
avec une cinquantaine d'autres alsaciens, incorporés de force.
Je fus nommé interprète chez le capitaine Hurst, commandant
la garnison. Vers le seize février, on nous amena, prisonniers
alsaciens, au centre de triage de Senans, dans l'Yonne, où je
fus libéré le douze mars 1945.
J'apprit seulement en novembre 1947, par une lettre de mon camarade
d'évasion Arno Bese, dont une photocopie est jointe à
la présente, que le Tribunal Militaire de Fribourg en Bade l’avait
condamné à mort par contumace en mars 1945, pour trahison
et évasion de l'armée allemande.
Fellering, le 21 janvier 1981.
Lettre
de Arnold Bese.
BRAUNSCHWEIG,
den 26 November 1947
Lieber Paul !
Ich hatte einmal Momente durchzustehen, in denen ich mir nicht bewusst
war, was es heisst, Haltung zu bewahren. Ich möchte diese Momente
nur am Rande erwähnen, weil meine einzigen lebenszeichen an Dich
in solchen Momenten entstanden sind. Der Schwamm, den ich zum Auslöschen
dieser Zeit nötig hatte, war nass und gross, aber er hat seine
Wirkung getan. Mit ablauf der Kriegsgefangenschaft bin ich in ein neues
Leben eingetreten, dass mit seiner Fülle an Arbeit und Aufgaben
das Leben erst lebenswert macht.
Wenn ich die ganze Zeit der vom Nazismus verpfuschten Jugend und des
Kriegspielens heute versuche zu übersehen, so kann ich nur immer
wieder den Kopf schütteln und mich fragen, wie es möglich
war, dass unsere Elterngeneration solch ein Verbrechen zulassen konnte.
Gewiss könnte ich nun an dieser Stelle anfangen und aufzöhlen,
was hätte getan werden können und was verkehrt gemacht wurde.
Aber damit erfasst man noch lange nicht den Kern der Sache, die Tätigkeit,
die einen verantwortungsbewussten jungen Menschen in diesem Staate jetzt
erfüllen müsste und der er zu jeder Zeit nachgehen müsste.
Ach Paul, die Deutschen sind alle grosse Jammerlappen. Ich würde
noch ganz andere Ausdrücke finden können, aber das Zeter-
und Mordiogeschrei überlasse ich denen, die auf Grund ihrer säbelrasselnden
Vergangenheit glauben, auch in heutiger Zeit ihr Schandmaul im Sinne
einer demokratischen Meinung aufreissen zu müssen. Ich bin jetzt
mehrere Monate zu Hause und habe in dieser Zeit sehr viele Gespräche
mit Menschen führen dürfen, die auch während der zwölf
Jahre eisern bei der Stange geblieben sind und durch Klugheit bewiesen
haben, wie man sich zu verhalten hatte, um diesen Abschnitt dunkelster
Machenschaften zu überstehen.
Ich kann dies nur von der Warte der an sich unbeteiligten Jugend überblicken,
aber dennoch habe ich durch die ganze Erziehung einen Einblick gewinnen
dürfen wie es richtig war, und vor allen Dingen erlebe ich jetzt
die Momente, wo ich nach den Richtlinien derer gehen kann, die mir Vorbild
sein müssen. Ich habe durchaus nicht die Absicht, mich irgendwie
politisch öffentlich zu betätigen, sondern ich will lediglich
mir selbst jederzeit Rechenschaft ablegen können über mein
Tun und lassen und darüber hinaus mir einen Freundeskreis schaffen,
in dem man sich weiterbildet und über alles die Menschlichkeit
stellt.
Allerdings darfst Du jetzt nicht fragen, wie weit dieser Freundeskreis
gezogen ist. Im Moment besteht er nur aus zwei Mitgliedern, alle anderen
Bekannten, die je nach Gelegenheit unter die Lupe genommen werden, erweisen
sich als nicht einwandfrei. Vor allen Dingen schrecken sie vor einer
Mitgliedschaft in der Friedensgesellschaft zurück. Leider aber
gehört diese Zugehörigkeit meiner Meinung nach zu einem Anerkenntnis
unserer Ideen dazu. Du weisst ja selbst, wie es mit den lieben Mitmenschen
beschaffen ist. Ich meine damit speziell die Deutschen. Noch heute darf
man nicht so ohne weiteres von einer Desertierung sprechen. Das man
aber unseren Schritt am 7 februar 1945 überhaupt nicht als Desertieren
bezeichnen kann, das werden diese Spatzenhirne wohl nie begreifen. Es
ist ein nettes Volk der Dichter und Denker, dem ich angehöre, aber
leider wird es noch lange dauern, ehe eine Besserung eintritt. Wenn
überhaupt jemals von einer Besserung die Rede sein kann. Auf alle
Fälle gehören einer Umwandlung die Hilfen der Staaten, die
in langer Praxis bewiesen haben, wie ein menschenwürdiges Leben
aussieht und unter welchen Bedingungen dieses geschehen muss.
Ich muss mich als Deutscher schämen, manchen Dingen ins Auge sehen
zu müssen, die einem wachem Menschen wehe tun müssen, der
weiss, dass es anders gemacht werden könnte. Ich bilde mir jedenfalls
ein, dass ich mich als wach bezeichnen kann. Ich will hier keine lange
Konversation über Dinge führen, die Dir bekannt und bewusst
sind. Man kann sich über viele Dinge nett unterhalten, die einen
durchaus internationalen Charakter tragen. Aber bevor ich Dich um eine
solche Unterhaltung bitte, möchte ich Dir von einem Besuch erzählen,
den ich in der verflossenen Woche erhielt. Es war Gerhard Gerike, unser
dritter Mann, der wohl fühlte, dass der Wagen in den Dreck fuhr,
aber nicht den Mumm hatte, Schluss zu machen : Ausser vielen Nachrichten
über die weiteren Erlebnisse unserer glorreichen Kompanie brachte
er vor allem eine Neuigkeit, die auch Dich angeht. Wir beide sind am
3. oder 23. März von einem Kriegsgericht in Freiburg zum Tode wegen
Fahnenflucht verurteilt worden. Das dürfte Dir und mir ja nur wie
Musik in den Ohren klingen. Die heutige Zeit beweisst ja, wer richtig
gedacht und gehandelt hat. Aber die Umstände, die zu dieser Verurteilung
geführt haben, sind doch bezeichnend. Uns lieber Jonny Rang beliebte,
sich dadurch beim Chef oder sonst einem der anderen Schreier einzukratzen,
dass er es war, der ihn oder sie davon in Kenntnis setzte, dass wir
derartige Absichten hatten. Wenn es nur mich allein betroffen hätte,
so hätte ich weiter keine Ausstellungen zu machen. In Anbetracht
der Tatsache aber, dass Herr Rang meine Eltern bewusst einem ahnlichen,
wenn nicht noch schlimmeren Ende wegen ihrer Vorbelastung entgegenführen
wollte, werde ich jetzt doch versuchen, ihm eine Kleinigheit meines
Dankes für die mir erwiesene Liebenswürdigkeit zu erstatten.
Arnold Bese
...lettre dont le contenu parle beaucoup des ressentiments d’Arnold
Bese vis à vis de la guerre et des Allemands. Ce n’est
pas franchement passionnant... ce qui est intéressant c’est
la fin de la lettre ! Arnold dit :
– ... je voudrai te parler de la visite que j’ai eu il y
a quelque temps. Il s’agit de Gerhard Guerike notre 3eme homme
qui sentait bien que tout se cassait la gueule et qui n’a pas
eu pas le courage d’en sortir.
Mis à part beaucoup d’information concernant notre glorieuse
compagnie, il m’a apporté une nouvelle qui te concerne
également.
Nous avons été tous les deux – le 3 et le 23 mars
– condamné à mort pour désertion de l’armée
allemande par le tribunal militaire de Fribourg. L’époque
actuelle nous démontre bien qui à pensé et agi
juste. Donc apparemment ce cher Johny Rang à du rapporter au
chef ou à un autre « gueulard » nos intentions. S’il
ne c’était agi que de moi... etc...
Le 15 mars 1945, je rentrai donc dans mes foyers, sans grand enthousiasme
il faut le dire. Ma sœur Ady était encore dans le coma,
à l'hôpital de Strasbourg, victime du tir d'un char de
la Division Leclerc sur la Place du Steinring, alors qu'elle rentrait
en Alsace de son écolage au Lycée de Fribourg en Maths
!... Balle de mitrailleuse lourde à travers les deux jambes et
sept éclats d'obus dans la tête. Elle n'est revenue invalide
que le mois d'août.
Imaginez la situation dans la famille Herrmann ! Papa condamné
par le conseil d'épuration à sa mutation dans le village
d'Altenbach, dénoncé par son appartenance N.S. et suite
à la lettre qu'il m'avait envoyé à Aiguillon en
1940 « Les Français ont le sacré devoir de vous
rapatrier dans votre province » avait-il écrit (Son crime
: Rapatrier !) Maman non punie, mais déchue par les anciens amis...
Pierre refusé au Lycée de Mulhouse H. Jugend ! ! ! Obligé
de suivre ses cours à l'institut privé Ste Marie de Belfort
! ! ! Ady refusée comme institutrice... et moi, et moi, et moi...
Le seul français de la bande... Convoqué en juin 1945
par l'inspecteur d'Académie Stork je dus m'expliquer quant à
mon aventure à Stralsund (Kriegsmarine) ! M. Stork, ayant vite
compris la situation familiale, m'a certifié déchirer
les archives compromettantes me concernant et m'avoir promis de revoir
le cas de mes parents !
Je revins donc une nouvelle fois comme sauveur (du moins je me l'imaginais...)
et je rendis compte de mon entrevue à mon père ! Mal m'en
pris :
– Franzosakopf ! le seul responsable de mes actes c'est moi !
me hurla-t-il.
Pour la seule fois, tenant tête à mon père, je le
qualifiais de « Schwob » !
Course autour de la table ronde de la salle à manger, et ma fuite
vers mon école de Ranspach-le-Bas !
Puis, ce fut le silence total avec les miens pendant bien six mois...
Retour au « bercail » au printemps 1946 pour aider le déménagement
des miens à Munster. Retrouvailles, pardon etc...
Pierre fut admis au lycée de Besançon et réussit
par la suite son entrée à H.E.C ! Il s'était bien
démis du marasme qui fut le sien... Mais par contre le père
lui en voulait-il ? je ne sais pas trop. Toujours est-il que papa se
rapprocha de moi, peu à peu : était-il sensible à
l'aide que je lui apportai lors du déménagement ou a-t-il
compris mon comportement passé à l'égard des siens
? ...
Adrienne se frotta aussi à lui, trouvant son « futur »
en la personne de l'instituteur Maurice Janey, un français de
Dôle ou Tavaux, qui n'était pas l'Alsacien souhaité
! De toutes façons elle a eu maille à le comprendre (Confiscations
de lettres, propos haineux...) Oh ! vraiment une belle-famille d'éducateurs
il est vrai. Et pour ma personne, je décidai de me marier, pour
fuir cette situation.